Cheikh Sidi Bémol – Ballade Apatride

Mon corps est une vieille valise,
Mon visage, un visa de passeport,
On me traîne de foyer, banquise,
De banquise en banlieue, pôle Nord.
Entre les charités frileuses
Et les frères présidents à vie,
Il faut bien que ma vie se creuse
Un trou pour passer la nuit.
***
Je suis excellent géographe,
Je connais toutes les cartes de séjours.
Tous les papelards, tous les paraphes,
J’en ai fait plusieurs fois le tour
Le tour du monde des polices,
Des postes frontières aux matins gris,
Le tour des regards qu’on vous glisse
Quand on a l’accent indécis.
***
Etranger où que j’aille,
Mes drapeaux, mes médailles
Ne sont que des chansons,
Juste un détail.
***
Rien n’est à moi, tout est aux autres,
Le boulot, la terre et le pain.
Même les saisons, le ciel, sont vôtres,
Vous êtes logiques : je ne suis rien,
Rien qu’un errant, un apatride,
Du sang bizarre, un drôle de son,
Une note flétrie comme une ride
Dans le beau concert des nations.
***
Etranger où que j’aille,
Mes drapeaux, mes médailles
Ne sont que des chansons,
Juste un détail.